Lia Martin ●๋• Around my world

Au début il y avait les favellas de Rio qui étaient mon terrain de jeu.  J’avais une grande soeur de trois ans mon aînée et j’étais toujours accrochée à ses basques.  Ses amis étaient les miens, je la suivais partout et en avais fait mon modèle.  C’était une petite fille magnifique, avec de longues boucles brunes et de grands yeux noirs... Je l’enviais, je ne sais pas pourquoi.  On me disait mignonne aussi, mais je n’y croyais pas vraiment.

Mes parents travaillaient dur, ça je ne peux pas leur reprocher.  Mais à force de travailler comme un damné et de rester pauvre, on finit par craquer.  C’est papa qui a entendu parler de ce «bon plan».  Il suffisait de transporter des choses pour avoir beaucoup d’argent, un plan trop facile pour être honnête et de fait, ce qu’il devait transporter, c’était de la drogue.  J’étais bien trop petite pour comprendre... Tout ce que je sais, c’est que deux mois après avoir fêté mes six ans, on quittait les favellas pour un endroit un peu moins miteux.  Ca payait pas de mine, mais c’était déjà ça.

C’est pourtant à partir de là que tout a basculé pour moi.  Maman ne se sentait pas bien dans ce rôle de «femme de dealer», et le mieux qu’elle a trouvé pour oublier ça, c’est de commencer à prendre de la drogue.  Papa la fournissait, il en prenait pour lui aussi, des grammages terriblement infimes dans de gros paquets pour ne pas se faire prendre.  A partir de là, on a vécu dans la peur.  Même si Sandra et moi on ne savait pas ce qui se passait, on voyait bien la peur dans les yeux de nos parents, et surtout il y avait ce fusil que papa cachait sous son lit et que nous ne pouvions pas toucher.  On bouffait du stress à tous les repas, et dehors y’avait une tension de tous les diables, entre règlements de comptes et interventions de la police.

Sandra avait treize ans quand elle a commencé à prendre cette saloperie qui nous avait enlevé nos parents.  Oh non, ils n’étaient pas morts... Mais je considérais que la drogue les avait emporté à jamais.  Ils n’étaient plus eux-mêmes, maman ne cuisinait plus, papa passait son temps à gueuler et avait terriblement maigri.  Sandra, elle ne voyait pas le mal.  Tout le monde, ou presque, en prenait dans son entourage, papa et maman en première ligne.  Mais moi je savais déjà, du haut de mes dix ans, que je voulais autre chose dans ma vie que la mort et la désolation.

Près de l’école, il y avait ce petit préau où trois fois par semaine, on donnait des cours de danse gratuitement à des enfants.  J’y étais inscrite depuis mes huit ans et j’adorais ça.  Je me voyais déjà intégrer un ballet et voyager à travers le monde.  Je travaillais dur à l’école pour concrétiser ce rêve, et ma soeur que j’aimais tant a commencé à se moquer de moi, à dire que je voulais être mieux que tout le monde, que je n’étais qu’une petite prétentieuse.  Peu à peu, elle me quittait elle aussi, et je compris que je n’avais décidément rien à espérer dans ce pays.

A douze ans, j’ai commencé à faire des petits boulots à droite à gauche, et comme ça ne suffisait pas, et bien j’avoue que je volais également quand je le pouvais.  Des touristes surtout, ça me donnait meilleure conscience parce que je savais qu’ils avaient les moyens.  Pendant des années, j’ai amassé, au nez et à la barbe de ma famille.  Les choses allaient de pis en pis, cet argent était mon passeport pour une autre vie.  Dès seize ans, je mettais mes talents de danseuse à contribution dans des bars, Je dansais en tenue sexy, mais je ne me déshabillais pas, et si un homme s’approchait de trop près, il se retrouvait avec le nez ou un doigt cassé.

Cette nouvelle vie a démarré en France.  J’ai fait appel à des passeurs qui ont pris tout ce que j’avais pour me faire traverser l’Océan.  Un cargo de marchandises, c’était la dernière étape avant la liberté.  Mais en France, je n’avais rien.  J’avais appris quelques mots pour me débrouiller et m’étais constituée un petit livret avec les mots et phrases courantes.  Je savais que je devais faire attention à ne pas me faire prendre si je ne voulais pas être réexpédiée au Brésil, alors j’ai vite commencé à me faire de l’argent.  Là encore par de petits vols, qui m’ont permis de m’acheter une jolie robe, jolie robe qui m’a permis d’approcher les gens plus facilement, et ainsi de suite.

Travailler légalement, je ne pouvais pas.  Forcément je n’avais pas de papiers, pas les moyens de m’en faire constituer de faux.  Alors c’était la débrouille.  J’étais jeune, à peine majeure, mais je voyageais beaucoup sur la côte et je m’en sortais.  Je crois d’ailleurs que c’est un miracle que je n’ai jamais été prise et qu’il ne me soit jamais rien arrivé de fâcheux.  Squatter quand on a ma frimousse, c’est un appel au viol, avouez-le !  Peut être que Dieu était avec moi après tout, peut être que c’est lui qui m’a protégée.  J’aime le croire aujourd’hui.  

Un jour, j’ai entendu parler d’un club qui cherchait des stripteaseuses.  J’avais jamais fait ça de ma vie, me déshabiller en dansant, mais je savais danser, et quand j’ai entendu l’argent qu’on pouvait se faire en faisant ce job, je savais que je ne pouvais pas passer à côté d’une telle opportunité.  Je parlais à présent parfaitement le français, je me débrouillais même pas mal en anglais, et même si ce n’était pas simple tous les jours, j’étais heureuse...  Heureuse d’avoir laissé mon passé derrière moi.  J’ai foncé tête baissée, je suis allée à ce club et il n’a pas fallu trois minutes de danse sur un podium pour que le patron m’engage.  Je n’aimais pas sa façon de me reluquer, mais ça c’était un détail, je ferais avec.

J’ignorais cependant que cet engagement allait changer toute ma vie.  Oscar était videur dans ce club, et toutes mes collègues, serveuses compris, tombaient en pâmoison devant ses grands yeux bleus.  Moi il en fallait plus pour m’impressionner, surtout qu’on m’avait parlé de ses exploits, comme ces deux filles qui sont tombées enceintes de lui par exemple.  Mais ce n’était pas le plus grave.  Le plus grave, c’est qu’il se droguait.  Alors quand il a fait mine de me tourner autour, je lui ai très vite mis les points sur les i.  Je suis peut être stripteaseuse, mais je ne suis ni une traînée qui couche avec le premier venu, ni une junkie qui se fiche de sortir avec un autre junkie.  J’ai des espoirs dans la vie, je veux avoir une vie normale, me marier, fonder une famille, vivre dans un joli quartier...

Il aurait dû s’enfuir en courant, ou en tout cas ne plus essayer quoique ce soit...  Et je pensais que c’était ce qu’il avait fait.  Il a disparu de la circulation pendant quelques semaines, voir même un peu plus, et puis un jour il est réapparu.  Cette fois il me déclarait sa flamme de façon élégante, il m’annonçait avoir suivi une cure de désintox pour être à la hauteur pour moi, il voulait devenir cet homme que j’attendais et qui allait changer ma vie.  Oui, j’ai été méfiante, c’est évident.  Mais plus le temps passait, plus il faisait ses preuves et me montrait qu’il avait vraiment changé.  Peu à peu, je tombais amoureuse... Follement amoureuse.  Oscar et moi avons alors fomenté un plan pour tirer quelques billets à notre boss, on a mis de côté autant qu’on pouvait pour se constituer un petit magot qui nous permettrait de changer de vie, de redémarrer à zéro quelque part.  Pour moi, c’était la seconde fois que je repartais de zéro, mais quand je me suis envolée pour l’Amérique, je n’étais pas seule, je tenais la main de mon futur.

Aujourd’hui, je vis à Woodley Mills, en Pennsylvanie.  Oscar et moi sommes mariés, nous avons une petite fille de six ans et un petit garçon d’un an et demi.  Ils sont la prunelle de mes yeux, je les aime plus que tout et veux les protéger coûte que coûte.  J’aime toujours autant mon mari, malgré les petits heurts qui peuvent arriver, comme dans n’importe quel couple.  Mais je sais que je peux lui faire confiance, je sais qu’il m’aime et ça vaut tout l’or du monde pour moi.  Ne vous étonnez pas que je veuille protéger ce bonheur coûte que coûte, alors quand le passé semble vouloir refaire surface, mon premier réflexe est de fermer la porte à double tour pour l’empêcher d’entrer et de venir ternir la si belle vie que nous nous sommes construite...

Ce que je recherche. →

Une meilleure amie ► Elle ne sait rien de mon passé, comme à tout le monde je lui ai menti sur ce dernier par souci de protection.  Nous sommes pourtant très complices et sommes amies depuis presque 5 ans.

Des voisins ► Des voisins amicaux, des fouineurs, des emmerdeurs... Bref un peu de tout, proposez !

Une ancienne collègue connue en France ► Elle travaillait comme stripteaseuse dans le même club du Sud de la France que moi il y a +- 8 ans de ça.  C'est elle qui m'a prise sous son aile quand j'ai commencé et elle m'a même hébergée.  Elle était comme une soeur pour moi et ça m'a déchiré le coeur de devoir la laisser...  Il y a quelques mois, j'ai appris qu'elle avait des problèmes, alors je lui ai envoyé de l'argent.  Je n'étais pas sensée communiquer avec quelqu'un de mon passé, mais cette fille et moi étions trop proches, je n'ai pas pu couper vraiment les ponts.